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Vincenzo Esposito Vinzi, DG du groupe ESSEC : « Mon projet : co-construire l’école-monde de référence »

Actus de l'ESSEC

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04/04/2018

Après avoir assumé pendant plusieurs mois l’intérim suite au départ de Jean-Michel Blanquer pour le ministère de l’Éducation nationale, Vincenzo Esposito Vinzi a été désigné à l’unanimité par les instances de gouvernance du groupe ESSEC. Le nouveau directeur général se confie sur ses premiers objectifs et dévoile quelques axes de la stratégie qu’il compte partager avec les forces vives de l’ESSEC.

ESSEC Alumni : Pour ceux, peu nombreux, qui vous connaissent mal, pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

Vincenzo Esposito Vinzi : Je suis italien, de l’île de Capri. Je suis arrivé à l’ESSEC en janvier 2007, en tant que professeur de statistiques, après avoir été enseignant-chercheur à l’université de Naples Federico II. Je connaissais déjà un peu la France, puisqu’entre 2000 et 2006, j’ai enseigné à la fois à HEC et à l’ESSEC. Une étape majeure dans ma carrière a été mon élection au poste de doyen du corps professoral permanent à Cergy en décembre 2011. Une élection par les pairs pour un mandat de trois ans, qui a été renouvelé en 2015. Après la nomination de Jean-Michel Blanquer au poste de ministre de l’Éducation nationale, la responsabilité de la direction générale du groupe ESSEC m’a été confiée pour la période de transition.

EA : Vous succédez à Jean-Michel Blanquer, avec qui vous avez travaillé très étroitement…

V. Esposito Vinzi : En tant que doyen, j’ai participé au comité de sélection de Jean-Michel Blanquer. C’était un moment passionnant qui m’a permis de connaître plus profondément toutes les parties prenantes de l’école : le corps professoral, les alumni, l’Institut catholique de Paris, la chambre de commerce, etc. J’ai beaucoup appris aux côtés de Jean-Michel Blanquer. Nous avions un fort relationnel professionnel, et au-delà, une solide amitié qui s’est forgée pendant son passage à l’ESSEC. Tout en étant d’accord sur beaucoup de points, nous avions aussi parfois des visions différentes. Mais la dynamique a toujours été constructive, empreinte de respect, et surtout productive. C’est ce qui a fait la richesse de notre collaboration.
Jean-Michel est parti pour les plus hautes fonctions de l’État, et je m’inscris dans la continuité, mais dans une continuité innovante. La personnalité, le profil et le parcours ne sont pas les mêmes. Il est normal que chacun essaye de laisser une trace de ce qu’il a en lui pour l’institution.

EA : Ce dialogue, vous souhaitez en faire un mode de gouvernance ?

V. Esposito Vinzi : Il y avait entre nous beaucoup de dialogue et de co-construction. Un mot important, « co-construction ». D’autant plus qu’au sein de chaque partie prenante de l’ESSEC, que ce soit les alumni, le corps professoral, les étudiants ou la chambre, la diversité est importante. Aujourd’hui, on dénombre environ 50 000 alumni. Entre les Français, les internationaux, ceux qui ont fait l’ESSEC il y a 30 ans ou il y a 5 ans, la différence peut être très importante. Dans le même ordre d’idées, le corps professoral compte, depuis deux ans, une majorité de professeurs internationaux, avec 37 nationalités différentes. C’est une très grande richesse. La diversité, ce n’est pas quelque chose qu’il faut subir, il faut en profiter.

EA : Vous êtes à ce propos le premier directeur général du groupe ESSEC qui soit étranger…

V. Esposito Vinzi : Oui, c’est un premier signal important envoyé à la communauté ESSEC et aux partenaires académiques et corporate, en France comme à l’international. Quand je suis arrivé à Cergy le 1er janvier 2007, je ne parlais pas un mot de français. Je l’ai appris en immersion. Tout en étant international, je me sens très français. L’ESSEC n’est pas juste une école internationale, c’est une école « monde » présente sur trois continents avec ses quatre campus. C’est une école qui doit aussi affirmer ses racines françaises, c’est-à-dire une culture, une histoire, un savoir-faire et un savoir-être. C’est une force.

EA : Comment avez-vous accueilli votre élection ?

V. Esposito Vinzi : J’ai accueilli cette nomination avec respect et humilité. J’ai beaucoup d’enthousiasme et de convictions, ce qui ne m’empêche pas de savoir rester à l’écoute. L’écoute c’est, je crois, ce qui a fait la force du binôme Blanquer/Vinzi. Avec Jean-Michel Blanquer, nous avons lancé beaucoup de projets, en mixant toujours conviction et dialogue. Mes années à l’ESSEC en tant que doyen ont montré que – tout en étant fidèle à mes convictions – je suis toujours très ouvert au dialogue et à la concertation. J’imagine que cette caractéristique a été appréciée.

EA : Quel est l’avantage d’être issu du corps professoral quand on parvient à la tête d’une école comme l’ESSEC ?

V. Esposito Vinzi : La légitimité académique est importante. Juridiquement, l’ESSEC est une association de loi 1901 à but non lucratif ; mais c’est en premier lieu une école, une institution académique qui a pour mission principale la diffusion et la création des savoirs. Le fait de connaître la genèse et le mode de fonctionnement d’un corps académique ainsi que la valeur ajoutée que cette faculté peut apporter aux multiples activités et projets de l’institution, c’est un avantage pour pouvoir gérer au mieux le développement de l’école.

 

Image - 2018 04 04 - Vincenzo Esposito Vinzi 2.jpg

 

EA : Votre rôle de doyen vous avait mis au cœur de la machine…

V. Esposito Vinzi : Le doyen du corps professoral a pour rôle de gérer et développer le corps professoral permanent. Il y a 150 professeurs permanents sur nos différents campus. C’est donc un rôle de gestion et management de 150 collègues académiques. C’est-à-dire le recrutement de nouveaux professeurs, la gestion de leurs objectifs dans l’année, l’évaluation de leur activité, les décisions sur leur carrière.
Il faut aussi représenter le corps professoral dans les instances de gouvernance du groupe. Le doyen, membre du Comex, doit porter la voix du corps académique et inversement, porter toutes les décisions des instances de gouvernance vers le corps professoral.

EA : Quels objectifs avez-vous déjà en tête ?

V. Esposito Vinzi : Le monde de l’enseignement supérieur finit son internationalisation et est maintenant en pleine homogénéisation. La force de l’ESSEC, c’est sa singularité. Mon ambition est que l’ESSEC devienne une business school de référence dans le monde. C’est-à-dire que l’on réaffirme notre singularité tout en étant reconnu pour notre excellence. Cette excellence doit être reconnue par les classements nationaux et internationaux, par les entreprises, par le monde académique. L’équilibre entre la singularité et l’excellence est à la base de mon ambition. Seul cela nous permettra de recruter les meilleurs enseignants-chercheurs dans le monde entier, d’attirer les meilleurs étudiants internationaux vers l’ESSEC, et de placer nos étudiants dans les meilleures entreprises du monde.

EA : Quel modèle économique voyez-vous pour votre projet ?

V. Esposito Vinzi : Les pouvoirs publics baissent leur contribution. Nous n’avons pas vraiment besoin de refondre le modèle économique de l’ESSEC, mais nous devons accroître et diversifier les ressources. Jusqu’à maintenant, l’équation économique était fondée sur deux facteurs : effectifs et frais de scolarité. En ce qui concerne les effectifs, nous sommes en train d’atteindre un plafond, notamment dans le programme Grande École et le Global BBA.
Pour les frais de scolarité, nous sommes dans une phase stable pour 2018. Et ce n’est pas un levier sur lequel nous avons des marges de progression énormes.
Par contre, nous pouvons développer d’autres ressources comme le fundraising, en collaboration avec les alumni et la Fondation. Un fundraising fondé sur des projets spécifiques. Ce n’est pas le don pour le don. Il ne faut pas que les donateurs financent la gestion de l’école, mais son développement. Pour que le fundraising soit efficace, il faut doter l'école d’une organisation forte orientée vers le développement, ayant des relations étroites avec les entreprises ainsi que des projets attractifs pour la collecte de fonds.

EA : Dans quelques mois, vous délivrerez votre plan stratégique. Peut-on en savoir un peu plus ?

V. Esposito Vinzi : Il faut que nous arrivions à développer quatre cultures à l’ESSEC.
D’abord la culture académique, qui englobe l’enseignement et la recherche, lesquels doivent se nourrir l’un et l’autre. Contrairement à une idée reçue, être un très bon professeur-chercheur n’empêche pas d’être un très bon enseignant ! La formation peut et doit tirer bénéfice de la qualité de la recherche de l’institution, comme c’est le cas dans les meilleures business schools du monde. D’autant que côté classements, la dimension qualité de la recherche produite par le corps professoral a un impact important.
La deuxième culture à consacrer est celle du développement, qui doit rester ambitieux et rationnel, « accountable » et pérenne. Nous devons arriver à mettre en place un modèle économique robuste et puissant. Encore une fois, l’ESSEC est une association de loi 1901 à but non lucratif – mais cela ne veut pas dire que nous devons être en déficit chronique. Mieux qu’être juste à l’équilibre, il faut être en mesure d’investir dans le futur.
La troisième culture, c’est celle de l’excellence. Cette excellence doit intervenir à plusieurs niveaux. L’excellence académique, celle des professeurs, des étudiants et des intervenants, mais aussi l’excellence opérationnelle des services. Celle que nous offrons aux étudiants, aux entreprises. L’excellence des relations humaines, en somme.
Enfin, la quatrième culture, c’est celle de la collaboration, du partage, de la confiance, de la communication. La communication, c’est aussi comment communiquent entre elles les parties prenantes et comment communiquent entre eux les services. Pour moi, il y a un mot qui définit tout ça : la co-construction.

EA : Comment allez-vous animer cette co-construction ?

V. Esposito Vinzi : La co-construction, c’est que chaque personne qui collabore ou travaille à l’ESSEC arrive à placer son action dans un plan global. C’est pour cela qu’il faut donner des priorités bien définies. Il y a une communauté de 50 000 alumni, 150 professeurs et environ 10 000 participants pour la formation initiale et continue, il y a des centaines d’avis différents. In fine, il y aura des décisions à prendre, à trancher. C’est la responsabilité du directeur général. Je l’assume.

EA : Votre objectif est de vous centrer sur les acteurs de l’univers ESSEC…

V. Esposito Vinzi : J’aimerais développer ce que j’appelle une plateforme inclusive des différents acteurs autour de l’ESSEC. Enseignement et recherche / Étudiants et alumni / Entreprise et organisations / Économie, société et institutions : ce sont les angles d’attaque de ce nouveau plan stratégique. Ces angles d’attaque passent par les acteurs. Je souhaite casser tous les silos qui sont dans l’institution, et créer des passerelles. Faire en sorte que les différents acteurs puissent travailler ensemble.
Dans cette plateforme inclusive, dès qu’un acteur arrive à l’ESSEC, il doit entrer dans une dynamique collective. Ainsi, un étudiant, un partenaire académique, une entreprise, un diplômé qui arrive à l’ESSEC, intégrera cette plateforme inclusive et restera dans l’environnement ESSEC. Son exposition au monde ESSEC est donc plus large qu’aujourd’hui. Le plan stratégique que l’on doit mettre en place doit avoir cet angle « acteurs » plus que l’angle « principes » que l’on avait mis en place précédemment.

 

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EA : Et sur le plan international ?

V. Esposito Vinzi : L’ESSEC est devenue une école-monde. Nous sommes présents sur trois continents, avec une vraie circulation des étudiants, des programmes, des savoirs, des professeurs, des idées, des partenaires.
En premier lieu, il faut que nos campus soient de plus en plus des partenaires intégrés aux tissus économiques, sociaux et académiques locaux pour qu’ils soient à la fois des portes d’entrée sur les économies régionales et des portails vers le monde pour tous les acteurs de la communauté ESSEC. Cette intégration n’est pas encore finie.
Je n’ai pas l’objectif de construire un autre campus physique à l’étranger. Ce que nous allons créer, c’est un campus digital, qui sera complémentaire aux campus physiques. Il doit dépasser le stade d’outils. Le digital, c’est la manière dont nous suivons nos étudiants, ou leur offrons des services. Le digital aujourd’hui, ce sont aussi les algorithmes d’intelligence artificielle. L’ESSEC peut dès lors offrir – grâce à des algorithmes d’IA – un parcours personnalisé de la formation initiale à la formation continue. On pourra demain mettre en œuvre un suivi digital des étudiants, comprendre l’acquisition des compétences, les suivre dans leur vie professionnelle, leur proposer des parcours personnalisés après.
Deuxièmement, il faut qu’au niveau international, l’ESSEC soit présente dans d’autres régions, notamment aux États-Unis. C'est la priorité à l’international. Pas de campus aux USA, mais une alliance, un partenariat fort et structurant. Des échanges en cours vont actuellement dans ce sens.
En troisième lieu, l’avenir économique du monde étant en Asie, il nous paraît important de renforcer nos liens avec la Chine et l’Inde. Ces deux pays représentent à eux seuls un tiers de la population mondiale et ont des ambitions claires dans certains secteurs sur lesquels l’ESSEC est ou sera leader (luxe, digital, etc.). En renforçant nos liens avec eux, nous construirons ainsi une base solide pour nos développements futurs. Nous devons donc faire en sorte que la marque ESSEC soit connue et reconnue comme une marque de premier plan aux États-Unis, en Chine et en Inde.

EA : Comment allez-vous travailler ?

V. Esposito Vinzi : Je vois le rôle de directeur général comme celui d’un chef d’orchestre, qui donne le rythme et la mélodie. Chacun joue de son instrument dans l’intérêt collectif afin d’atteindre une mélodie belle et harmonieuse. Il faut faire en sorte que l’équipe autour de moi puisse apporter les différentes compétences dont la direction de l’école, et pas forcément le seul directeur général, a besoin.
Je suis en train de consacrer les trois premiers mois de mon activité au fait d’orienter l’école dans cette direction. Nous mettons en place une organisation dédiée (nouvelle configuration du Comex, organisation centrée sur les étudiants/participants et sur les entreprises, structure dédiée pour le développement) pour que toute l’ambition dont je viens de vous parler ne soit pas construite sur du sable, mais sur une structure qui soit capable d’assumer les objectifs que j’ai fixés. Le directeur général doit diriger, trancher, assumer, avec une équipe autour de lui qui complète son profil. Bien entendu, il est important que le directeur général soit en première ligne sur un certain nombre de dossiers.

EA : Quelle place occupe la Fondation dans ce dispositif ?

V. Esposito Vinzi : Il me semble important que nous (l’école, les alumni et la Fondation) nous coordonnions autour du développement de l’ESSEC. Derrière ce dispositif, on trouve bien évidemment les entreprises, et donc les alumni puisqu’ils sont dans le monde professionnel, mais aussi les donateurs individuels. Il faut donc voir comment nous nous coordonnerons pour le développement au niveau des individus et des entreprises, au niveau national et international. À nouveau, mon action s’inscrira dans la co-construction avec toutes les parties prenantes.

EA : Comment voyez-vous les relations avec les alumni ?

V. Esposito Vinzi : Dans mon travail préparatoire, la part consacrée aux alumni est importante. Ce sont des acteurs majeurs de l’institution. Si leur expérience professionnelle et leur réseau sont importants pour nos étudiants, leur analyse du monde professionnel est une vraie richesse pour la direction de l'école. Et ils peuvent être d’un apport essentiel à l’école s’ils viennent – entre autres actions – les partager sur les campus de l’ESSEC.
Notre mission est claire. Nous sommes ici pour former les talents de demain dans le monde de l’entreprise. Comme nous essayons de former des étudiants à anticiper les changements de demain, l’institution elle aussi doit avoir une posture de collaboration avec ses parties prenantes pour essayer d’anticiper les tendances plutôt que de les suivre. Dans le monde de l’enseignement supérieur, le dernier mot sur les révolutions en cours, tant en pédagogie qu’en recherche et en innovation, n’est pas dit. J’aimerais donc que l’ESSEC trouve sa voix, affirme sa position de premier plan, et donne le ton aussi au niveau international.

 

Propos recueillis par Philippe Desmoulins (E78) et François de Guillebon.

 



Illustration : © Arnaud Calais

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