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Reflets Mag #141 | Yann Le Touher (E07) au Louvre : le mécénat, c’est son affaire

Interviews

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10/01/2022

Dans Reflets Mag #141, Yann Le Touher (E07), sous-directeur du mécénat, de la marque et des partenariats commerciaux du Louvre, explique le rôle crucial que jouent ces sources de revenus pour le plus grand musée du monde – et plus largement pour le secteur culturel. On vous met l’article en accès libre.

Reflets Magazine : Sur le plan du mécénat, comment le Louvre se distingue-t-il du musée d’Orsay et du Centre Pompidou, où vous avez précédemment travaillé ? 

Yann Le Touher : Le Louvre est le musée universel, qui à la fois abrite les collections nationales appartenant à tous les Français et accueille 80 % de visiteurs étrangers. Cette capacité à toucher tous les publics et ce rayonnement à l’international constituent nos points de différenciation.

RM : Le Louvre innove depuis 15 ans dans le domaine du mécénat. Quelles initiatives avez-vous lancé récemment ?

Y. Le Touher : Le Louvre a été le premier musée de France à créer un cercle d’entreprises, à s’aventurer dans le crowdfunding, à se doter d’un fonds de dotation, ou encore à lancer des « capital campaigns » à l’américaine pour des grands travaux. Autre innovation : nos campagnes Tous mécènes, qui permettent à tout un chacun, particulier ou entreprise, de contribuer à la restauration ou l’acquisition d’œuvres majeures. Nous menons actuellement la 12ème édition, jusqu’au 25 février, pour un camée extraordinaire issu des possessions de Louis XIV (plus d’infos sur tousmecenes.fr).

RM : Quels profils ont les mécènes du Louvre ?

Y. Le Touher : Nous avons des particuliers qui donnent quelques dizaines ou centaines d’euros comme de grandes fortunes qui soutiennent des projets à plusieurs millions d’euros. De même côté entreprises, avec des PME ou des start-up comme des groupes du CAC 40. Et si le mécénat reste majoritairement français, nous entretenons un lien historique avec les États-Unis et le Japon, tandis que d’autres pays et régions du monde commencent à s’ouvrir : la Chine, l’Amérique latine, l’Australie, le Moyen-Orient, l’Inde…

RM : Effectuez-vous une sélection parmi vos mécènes ? 

Y. Le Touher : Nous nous conformons depuis 2003 à des chartes éthiques qui régissent nos relations avec les mécènes, et nous réfléchissons à les adapter aux enjeux actuels. Pour les donations en provenance de l’étranger, nous pouvons solliciter l’avis des services diplomatiques en cas de doute.

RM : Qu’obtiennent les mécènes du Louvre en échange de leur soutien ?

Y. Le Touher : Chaque mécène a ses motivations. Certains rechercheront un accès privilégié à des visites privées avec les conservateurs et des événements exclusifs, d’autres voudront voire leur nom gravé dans le marbre d’un mur, d’autres encore souhaiteront ouvrir les portes du musée à leurs collaborateurs, leurs clients ou les associations qu’elles soutiennent. Nous avons même organisé des expositions dans les usines du groupe Stellantis, et diffusé notre kit pédagogique auprès des enseignants de la Mutuelle générale de l'Éducation nationale.

RM : Que répondez-vous à ceux qui voient le mécénat comme une niche fiscale ?

Y. Le Touher : Il est vrai que l’incitation est attractive : 66 % de réduction fiscale pour les particuliers, 60 % pour les entreprises. N’oublions pas cependant que ces avantages permettent une redistribution au profit de missions d’intérêt général – et pas seulement dans la culture, mais aussi dans des la recherche médicale, la solidarité, l’environnement. Il me paraît essentiel d’encourager les dons dans tous ces domaines. La même logique justifie selon moi la réduction fiscale de 90 % offerte aux entreprises qui s’engagent à aider les musées à acquérir des œuvres classées « trésor national ». Ce dispositif unique sert à faire revenir des œuvres en France, ou à empêcher qu’elles ne quittent le territoire. Il s’agit d’un véritable outil patriotique.

RM : Et que dites-vous à ceux qui dénoncent le mécénat comme un moyen pour l’État de se désengager de la culture ?

Y. Le Touher : Le mécénat est un moyen complémentaire, qui ne se substitue en rien à l’État – pour la bonne raison qu’un musée comme le Louvre ne peut pas s’autofinancer. Depuis le début de la crise du COVID, c’est l’État qui compense les pertes dues aux fermetures et à la baisse des recettes de billetterie ; nous n’avons pas dû procéder à des licenciements ou vendre des œuvres comme les musées américains, et il faut s’en féliciter. Et en temps normal, le Louvre continue de dépendre de la subvention publique à hauteur de 41 % – non seulement parce qu’il mène des missions de service public, mais aussi parce qu’il s’agit d’un monument national : sur un budget annuel de 240 M€, les travaux d’entretien du palais représentent à eux seuls de 60 à 80 M€.

RM : Quelle est la part du mécénat dans le budget du Louvre ? 

Y. Le Touher : Le mécénat représente la deuxième source de ressources propres après la billetterie. Il s’agit déjà d’un niveau élevé au vu de nos moyens RH. Nous n’en comptons pas moins accroître encore nos résultats grâce à de nouvelles formes de partenariat et au développement de l’international et des grands donateurs. D’autant que nous devons lever des sommes importantes pour les grands projets portés par la nouvelle présidente du Louvre, Laurence des Cars, parmi lesquels la création d’un nouveau département dédié aux Arts de Byzance et aux Chrétientés d’Orient.

RM : Quelles évolutions anticipez-vous dans le mécénat pour les années à venir ?

Y. Le Touher : Nous promouvons de plus en plus un mécénat horizontal. Que pouvons-nous nous apporter mutuellement ? Quelle mission commune nous donnons-nous ? Comment associer aux mieux les collaborateurs et les parties prenantes ? Il ne s’agit plus seulement d’un échange d’argent contre un logo sur une affiche et une soirée privée, mais aussi et surtout d’une démarche de co-construction.

 

Contact : yann.letouher@louvre.fr

Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni 

Paru dans le dossier « Philanthropie : quel impact ? » de Reflets Mag #141. Pour lire le numéro, cliquer ici. Pour recevoir les prochains numéros, cliquer ici.


Image : © Musée du Louvre - Florence Brochoire

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