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Reflets Mag #147 | Lydie Solomon (E06), la pianiste aux bonnes notes

Interviews

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13/06/2023

Reflets Mag #147 consacre un portrait à Lydie Solomon (E06), enfant prodige du piano qui a ajouté une touche à son instrument en intégrant l’ESSEC. Depuis, elle vit de son art en entrepreneuse et partage sa passion en pédagogue, avec tous les publics. Découvrez l’article en accès libre… et pour lire les prochains numéros, abonnez-vous !

Dès ses 2 ans, elle joue l’Hymne à la joie de Beethoven à l’oreille sur le piano de sa mère. À 5 ans, elle intègre l’École normale de musique où l’on n’est habituellement admis qu’à l’adolescence. Une fois au collège, elle rejoint une classe de sport-étude qui, comme son nom ne l’indique pas, lui permet de concilier cours académiques le matin et leçons de musique l’après-midi. « Ceci étant, le rythme était aussi exigeant que celui d’un athlète de haut niveau ! » Car si le parcours de Lydie Solomon témoigne de facilités exceptionnelles, il n’en exige pas moins d’importants efforts et sacrifices. « On n’entre pas au Conservatoire national supérieur de Paris à 15 ans en vivant la même enfance que les autres. Je ne regardais pas la télévision, je n’allais pas dormir chez mes camarades… »

C’est une des raisons qui la pousse à bifurquer vers une école de commerce après son baccalauréat. « Un artiste entretient un rapport ambigu avec son instrument. C’est comme une relation de couple, il y a des hauts et des bas quand on vit dans une telle symbiose, sur un temps aussi long. » Pour autant, elle n’envisage jamais d’éliminer le piano de sa vie. « Je ressentais simplement le besoin de me connecter à d’autres espaces. Je ne voulais pas être une spécialiste qui voyait le monde sous un seul prisme. »

Trouver sa voix

À l’ESSEC, Lydie Solomon atteint le juste équilibre. « J’ai continué les concerts tout en rencontrant sur le campus des passionnés qui posaient sur la musique un regard différent, mais aussi intéressant que les spécialistes. Ces échanges m’ont oxygénée. » Car elle a toujours aimé dresser des ponts. « Ce désir provient sans doute de mes origines multiculturelles : coréenne par ma mère, roumaine par mon père… Je porte en moi la traversée des frontières. »

Elle trouve ainsi sa véritable vocation : partager son art avec tous les publics – même ceux qui ne fréquent pas la Salle Pleyel ou la Philharmonie de Paris. Son diplôme en poche, elle développe plusieurs concepts en dehors de la scène. « J’ai notamment lancé des conférences-concerts en entreprise autour de thèmes comme la performance, la gestion du temps, la responsabilité… J’alterne entre des séquences où j’aborde le sujet à la lumière de mon expérience ou du parcours de musiciens célèbres, et d’autres où j’interprète des morceaux qui font écho au propos tout en laissant le temps à chaque participant d’intérioriser ce qui vient de se dire. Par exemple, si on me demande de parler de dépassement de soi, je raconte comment Beethoven a fait pour composer malgré sa surdité, ou comment j’arrive à jouer du Chopin, du Liszt ou du Rachmaninov alors que leurs partitions sont pensées pour des mains beaucoup plus grandes que les miennes. »

Les managers ne constituent pas sa seule cible. « Je suis intervenue dans le cadre d’un séminaire mondial de deux jours pour des statisticiens. Nous avons évoqué les liens entre musique et mathématiques : combien de fois une note doit-elle revenir dans un morceau pour établir une tonalité ? Ou encore, comment se décomposent les gammes sérielles de Boulez ou les intervalles réguliers de Bach ? Envisagée sous cet angle, la statistique devient moins aride ! » Elle travaille d’ailleurs aussi avec Alain Connes, médaille Fields en 1982, sur la géométrie non commutative. « Nous cherchons la musique qui correspond aux nombres premiers. »

Encore une passerelle en somme, cette fois entre les disciplines. « La musique convoque autant les sciences que le langage. Elle permet non seulement de toucher tout le monde, mais aussi de libérer la réflexion et la communication. » Une dimension éducative que Lydie Solomon développe de plus en plus. « D'une part, je reviens d'une série de masterclasses, conférences et concerts pour toute la population de Val-de-Reuil, y compris le lycée et le conservatoire ; c'était le premier récital de piano à avoir lieu dans la commune ! D’autre part, je participe à des réflexions autour de l’implantation en France de Scuola Holden, école d’écriture créée par l’auteur italien Alessandro Baricco, féru de musique, qui fait notamment le lien entre notes et mots. Ma contribution consiste à apporter un éclairage sur la manière dont une partition peut raconter une histoire – ou lui servir d’inspiration et de base par sa structure. »

Paroles, paroles, paroles

De fait, Lydie Solomon a une longue pratique du storytelling. « Petite, j’ai noirci des milliers de pages. Plus grande, j’ai fait des incursions au cinéma et à la télévision après un passage par le cours Florent. Le réalisateur Yvon Marciano m’a notamment fait l’honneur de m’écrire un rôle sur mesure de pianiste coréenne pour son film Vivre. Puis j’ai incarné une criminologue dans la série Profilages sur TF1. »

Encore une fois, elle fait des liens entre les pratiques. « Il n’est pas très différent de mémoriser un texte et une partition. » Elle souligne d’ailleurs que chacun de ses disques – elle en a enregistré trois en parallèle de ses tournées et de ses conférences – compose un récit. « L’album De Chopin à Cuba retrace comment Chopin a irrigué toute la musique cubaine jusqu’à Buena Vista Social Club sans le vouloir, par l’intermédiaire d’un ami d’enfance parti s’installer là-bas. »

Elle confirme ainsi à quel point elle aime sortir des sentiers battus. « Autre expérimentation récente : j’ai eu l’occasion de collaborer avec Pascal Obispo, qui m’a proposé de transformer des titres de variété en classique. Je l’ai fait avec bonheur sur Lettre à France de Michel Polnareff… même s’il s’agit plutôt d’un retour aux sources, car cette chanson lui a été inspirée par Haendel ! » Encore une histoire méconnue…

En soliste

Au fond, le parcours de Lydie Solomon constitue une ode à l’indépendance : indépendance d’esprit, indépendance artistique… et indépendance professionnelle. « Je n’évolue pas dans le circuit industriel, je ne suis pas rattachée à un label. Je m’autoproduis, je vends moi-même mes disques, je fais ma propre promotion. D’une certaine manière, je suis une entrepreneuse. Comme nombre de mes camarades ESSEC ! »

 

Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni

Paru dans Reflets Mag #147. Voir le preview du numéro. Recevoir les prochains numéros.

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