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KILAFEE n°15 – Mai 2023 : Emilie Chartier, lâcher les freins

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Provence

08/06/2023

« On y va ? » Une sorte de porte étanche que je referme derrière nous, en même temps que je m’interroge. 5 mois sans kilafee… Saurais-je ouvrir sa porte à elle ? « 42 ans, née à limoges, mariée, 2 enfants, 6 ans… ». Une sincérité magique monte, je le sens. « … très différents et ultra complémentaires… absolument fan de mes enfants ». Entrons chez elle, sans effraction, une invite.

 

Je vous arrête tout de suite, si vous pensiez avoir affaire à une mère de famille prématurément rangée des voitures, a postériori heureuse d’avoir su renoncer à sa carrière pour pouponner. Elle aurait du temps pour mon oreille. Quand j’ai lu sur son LinkedIn, j’ai craint, mais non. 

 

« Ce vendredi soir, vers 16h30, je devrais être en voiture, sur le trajet du retour, ma semaine pro finie ». Directrice Territoriale Adjointe, 16h30, ça me fait genre « fonctionnaire » ? Mais « retour », ça m’évoque quand j’étais manager de transition. Je quittais, le vendredi tôt, parfois le samedi si une négo avait duré, endolori de la fatigue de semaines trop pleines au service des autres, à résoudre leurs problèmes, à leur inventer des solutions, à les écouter, à … Juste désireux de m’extirper apaisé d’un boulot passionnant, les yeux fermés, dans le TGV du retour pour un trop court week-end, jusqu’au lundi, 5h… « Bien, je te tiendrais compagnie, alors », lui avais-je répondu.

 

Elle se raconte aussi comme une sorte de manager de transition, passionnée par son boulot. Mais Emilie ne se repose jamais. Même pas sur son trajet de retour. Elle me raconte son frère, sa sœur, eux-mêmes mariés, leurs enfants, mêmes âges, la joie de leurs fêtes familiales. Elle sait répondre à une urgence, et être à nouveau 100% avec les siens l’instant d’après. Sa vie pro est enfermée à l’extérieur de la famille. Elle est « …très famille… ». Je ne crois pas qu’elle y revienne se ressourcer. N’imaginez pas cela comme un cocon. Plutôt comme une vie multipliée. 

 

Si vous vouliez dessiner cette vie, vous déposeriez délicatement des pigments sur de l’eau calme. Puis tapez d’un coup vif et léger. D’étranges et harmonieuses volutes s’arrangent à la surface. De ces ondoiements façon ébru (*), l’artiste, elle, Emilie, fera émerger d’une touche poisson, algue, corail, tous réminiscences de ses plongées, ou esquisse déjà lumineuse d’un futur Chagall. 


(*) Des effets de papier marbré qu’on retrouve sur les pages intérieures des couvertures des vieux livres reliés pour bibliophiles. https://ich.unesco.org/fr/RL/ebru-lart-turc-du-papier-marbre-00644.

 

Elle se décrit, elle et son mari, « comme des fous toujours prêts à changer, on bouge en fonction des jobs. J’adore avoir plein de projets ». Donc Florian et elle, viennent encore de changer. Lui est ingé + MBA, et plongeur niveau 4. Autant dire instructeur. Elle était débutante quand ils se sont croisés quinze ans en arrière, à Marseille, lors d’un stage UCPA, l’ancêtre de Meetic. Mais eux étaient venus pour les profondeurs. Ce pourquoi ils sont restés ensemble. 

 

Stimulée par le passage de son mari à l’EM Lyon en 2019, elle fait un mastère Essec en 2020. La voilà aux côtés de Yassine ZAKARIA pour animer un groupe ESSEC Alumni Gard. « Juste retour d’un peu de ce que j’ai reçu, où je suis arrivée, venant du médico-social, un peu rebelle, l’envie d’aventure et de prouver des choses… Alors quand j’ai découvert la cotisation à vie, j’ai payé cash, c’est ma pierre à l’édifice ». Tiens ? Moi aussi…

 

Donc, ils ont changé de ville, de métier, et de rôle. Ils viennent de quitter Grenoble, il travaille désormais pour Perrier, à Vergèze, et elle à Valence. Ils habitent donc Villeneuve-lès-Avignon. Il avait beaucoup bourlingué à l’étranger dans ses jobs précédents. C’est désormais lui qui assume la « gestion des enfants ». Mais là où d’autres subiraient cela comme des « bouleversements », eux les choisissent. Je ressens une construction, ni stratégie ni plan de carrière, mais voulue, avec la zénitude du sport qui les a réuni. Un « ébru », donc - ce mot turc évoque parfois « façonner », ou « plastique » (comme dans « arts plastiques »). 

 

Le flot de ses paroles est ininterrompu, rapide, la voix agréable, ponctuée d’éclats de rires sincères. Elle a en plus changé de dimensions et d’univers, de planète peut-être. Il faut savoir d’elle qu’à la rubrique « études », elle m’avait répondu « je viens du terrain, je suis éducateur spécialiséà 9 ans, j’avais dit ça à mes parents, et c’est exactement ce que je fais »… 

 

Je suis perdu, je l’avais crue bras droit d’un président de Région, au moins ! Pour bien faire un Kilafee, il faut se taire sans a priori. Ecouter sans imaginer, c’est si loin de ma nature. Elle m’a largué « Qu’avais-tu dis à tes parents ? » risquais-je. « Je veux être avocate pour ceux qui en ont besoin vraiment, et je ne me ferai pas payer. Et mon père m’a répondu ‘alors tu ne seras pas avocate’ », et le disant, elle réalise « Tiens, c’est vrai, j’ai pas fait avocate, mais c’est bien ce que je fais, aider les autres » (rires). Et, pour preuve, d’arpenter son parcours concret, 2 ans sur le terrain, puis … « je devais encadrer 2 structures d’accueil pour jeunes majeurs, et un foyer d’accueil d’urgence pour ados dont les parents ne savaient pas faire face… » (in petto, je pense à mes propres débuts, à la Sauvegarde de Laon (**), au service de vraies galères d’ados à coté desquelles ce que me fait subir ma fille ado naissante est un don du ciel).


(**) l’ADSEA dans l’Aisne, La Sauvegarde de l’Enfance et de l’Adolescence. https://adsea02.org/ 

 

« Je devais aussi manager les collègues, ça c’était dur, mais ça s’est bien passé. ». Nul doute que c’est là qu’elle a construit ce qui deviendra sa marque. L’audace d’assumer la confiance d’un N+2 qui la propulse à la tête d’une équipe parfois en plein désarroi. Elle croit qu’elle ne peut pas, mais elle y va, « titillée par le challenge ». Créative et tenace, elle voit les choses à travers leurs yeux, trouve comment « bouger les lignes », « pour donner du sens à tout ça ». Elle se retrouve elle-même dans leur quête de sens. « Je n’ai pas le ‘Sens du Service Public’, c’est le sens du poste qui me motive ». Ce talent, ce métier devrais-je dire, elle l’a mis 20 ans au service du secteur public. En Savoie, elle œuvrait à la protection maternelle infantile, la petite enfance, encadrant les PDS spécialisés, infirmières, médecins, tous les métiers du social complet, les PH, les PA (***). Apprendre, apprendre, et, aboutissement, chapeauter, en direct avec le Président du département, l’insertion, le logement, l’action sociale globale, et le SI de tout ça, pendant Covid. 


(***) C’est presque exprès que je ne traduis pas les abréviations… 


Donc, mastère Essec en poche, elle passe au privé, chez Aesio (****), genre « manager de transition interne ». Elle supervise plusieurs établissements, encadre 1500 personnes. Elle bosse fort et l’explique fort bien « Si je suis épanouie dans mon job, alors je le suis aussi dans ma vie perso. Et vice versa. Alors qu’on m’a dit plein de fois ‘tu es une femme, fais un mi-temps, et profite de tes enfants’ »… « Quoique, depuis que j’ai passé la quarantaine, on ne me le dit plus » (rires).  A mon avis, ce n’est pas l’âge. Epanouie dans sa vie perso, elle s’éclate dans sa passion pro. « A l’ESSEC, j’ai appris à exprimer mes talents … sans autant de retenue qu’avant »Et c’est tout ? « Du sport, je m’entraine – pas assez - pour le prochain Trek solidaire ». Pfff (admiratif), quelle énergie !

 

pour KILAFEE ESSEC Alumni Provence

Yves MARTIN-LAVAL, E83, 

La Ciotat le 31 mai 2023


(****) Aesio Santé, la branche qui gère des établissements, la mutuelle c’est l’autre branche de la marque.


Emilie CHARTIER (M22)emiliechartier@live.fr (06) 08 86 44 30


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