#1Mois1Engagé : Céline DEGRAVE E(05) « La transition écologique et sociétale est devenue un enjeu majoritaire à l’échelle de la société. "
06/10/2025
Diplômée du programme grande école de l’ESSEC, promotion 2005, Céline Degrave dirige aujourd’hui Terra Institute, une école qui forme aux métiers de la durabilité et de l’impact. Découvrez son parcours et sa vision presque philosophique de la « RSE ».
E.S.B. : Quel est ton parcours et qu’est ce qui t’a amené à t’intéresser au sujet de la RSE ?
CD : J’ai commencé ma carrière dans le Marketing et la Communication (secteur tourisme), avant d’ouvrir par le plus grand des hasards LA boîte de Pandore : la Fabrique de la Ville et des Territoires. Directrice des Opérations au sein d’une foncière immobilière « responsable », j’ai découvert le sujet des Tiers-Lieux, de l’Economie Sociale et Solidaire et des appels à projets urbains innovants : un concentré parfait de toutes les problématiques qui questionnent, de manière plus générale, la « durabilité » de nos sociétés.
Après 15 ans d’expérience professionnelle, j’ai eu envie de m’intéresser à la transmission : plutôt que de s’épuiser à réparer ce qui a été mal pensé, ne pourrait-on prendre les choses dans le bon sens, dès le départ ? Peut-on apprendre à faire tourner le monde plus rond ? Comment enseigne-t-on les principes de la transition écologique et sociétale ?
C’est ainsi que j’ai pris il y a 3 ans la Direction de Terra Institute, une école qui forme aux métiers de la durabilité et de l’impact en 5 ans, au travers de deux parcours : RSE-RSO et Ville Durable.
E.S.B. : la RSE concrètement dans ta vie ?
CD : En tant que Directrice d’une école qui forme aux métiers de la RSE, mon rôle est d’interroger en permanence ce qui se cache derrière cet acronyme et les définitions qu’on lui donne, ses évolutions, ses potentiels, et ses limites. Le moins qu’on puisse dire aujourd’hui est que la « RSE » est un concept chahuté : quand certains y voient l’incarnation de la plus « grande arnaque jamais faite au Monde » (cf. le discours de Trump à l’AG des Nations Unies il y a quelques jours – septembre 25) d’autres dénoncent son manque d’ambition, au service du greenwashing. La RSE doit redevenir une boussole pour les entreprises, les organisations et la société civile : quitte à se réinventer totalement !
E.S.B. : Comment définis-tu la RSE ?
CD : Justement, je milite pour une redéfinition de ce que l’acronyme « Responsabilité Sociétale de l’Entreprise » convoque aujourd’hui dans les imaginaires. Dès qu’on parle de RSE, on imagine tout de suite des réglementations, des contraintes, des données, et une masse formidable d’énergie passée à faire du reporting plutôt que de mettre en place des plans d’action.
Il faut, selon moi, revenir à une vision plus systémique et philosophique : la RSE doit être ce qui permet à l’entreprise de jouer son rôle d’élément structurant au sein d’un écosystème, qui donne autant qu’il reçoit, qui contribue à un équilibre dynamique, qui a une forme d’utilité pour que le tout puisse ou continue de fonctionner… Mais qui doit le faire avec conscience, et pas seulement pour assurer sa seule survie : la justice, la solidarité et la morale constituent le tryptique qui distingue nos sociétés des autres écosystèmes du vivant.
E.S.B : Comment est-ce un catalyseur au business et avec quel type de ROI ?
CD : Je ne sais pas si la « RSE » est en soi un catalyseur de Business.
Ce qui est certain cependant, c’est que la RSE s’apparente aujourd’hui de plus en plus à un management des risques qui pèsent sur l’entreprise : raréfaction ou renchérissement des ressources et des énergies, rupture des chaines logistiques, attribution des financements, contentieux administratifs, environnementaux ou sociaux, crise réputationnelle, engagement et productivité salariale, etc qui sont autant de levier qui influent directement sur la performance globale et la pérennité de l’entreprise.
La « RSE » peut, par ailleurs, être une véritable source d’opportunité business : dans le cas de l’économie de la fonctionalité et de la coopération, on peut mettre en œuvre des modèles 25 à 40 fois plus rentables que l’économie linéaire (voir à ce titre l’excellente démonstration de Luc Teerlinck dans son ouvrage « Et si on ouvrait d’autres voies ? »)
E.S.B : Que voudrais-tu dire aux Alumni ESSEC du Club et autres ?
CD : Pour commencer, la transition écologique et sociétale de l’entreprise et des organisations n’est pas que l’affaire du Responsable RSE. Toutes les fonctions régaliennes et tous les métiers de l’entreprise / organisation sont (plus que jamais) concernés. Par ailleurs, nous ne sommes pas aujourd’hui dans un « backlash RSE », mais à la fin d’une période de sensibilisation réussie. La transition écologique et sociétale est en effet devenue un enjeu majoritaire à l’échelle de la société. Il faut donc lâcher nos approches et nos discours militants, qui ont tendance à cliver et mettre à distance un trop grand nombre de parties prenantes. Il faut, au contraire, identifier et définir ce qui nous unit collectivement : la défense et la préservation de nos conditions de vie, qui doivent désormais éclairer nos paroles et nos actions en tant que dirigeants, salariés ou citoyens. Lire à ce sujet l’excellente note de L’IDDRI / Parlons Climat « Vers un Pivot majoritaire de l’écologie »

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