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Reflets Mag #156 | Comment les réglementations environnementales de l’UE renforcent sa compétitivité

Avis d'experts

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17/04/2025

Le Pacte vert de l’UE a été fortement remis en cause ces derniers mois. À tort ou à raison ? Avec quelles conséquences pour l’environnement ? Reflets Mag #156 livre les regards croisés de Bernard Leca (PHD 10) et Chrystelle Richard, professeurs à l’ESSEC, et Louis Raynaud de Lage (E14), senior manager impact & sustainability chez Bartle. Découvrez un extrait de l’article en accès libre… et pour lire les prochains numéros, abonnez-vous !

Reflets Magazine : Quel est l’impact environnemental de l’UE ?

Bernard Leca : L’UE représente environ 6 % des émissions de gaz à effet de serre pour 5,6 % de la population mondiale. Elle a baissé ses émissions d’un peu plus de 33 % depuis 1990.

Louis Raynaud de Lage : Son impact n’en reste pas moins considérable. La région constitue le quatrième plus gros émetteur de CO2 derrière la Chine, les États-Unis et l’Inde. 81 % des écosystèmes naturels européens sont en mauvais état de conservation, avec la disparition de 600 millions d’oiseaux depuis 1980 et une chute des populations d'insectes de 70 à 80 %. Plus de la moitié de nos lacs, rivières et fleuves sont dans un état « très critique » selon la Commission. La contamination généralisée aux PFAS devrait coûter entre 95 et 2 000 milliards d’euros en dépollution sur les vingt prochaines années. Et l’Europe se réchauffe deux fois plus vite que les autres continents.

RM : Face à ces constats, quelles mesures l’UE prend-elle ?

Chrystelle Richard : Les objectifs de l’Accord de Paris, en particulier celui de la neutralité carbone à horizon 2050, guident la stratégie et le calendrier de l’UE depuis 2016.

L. Raynaud de Lage : Plusieurs principes structurent en outre l’approche européenne : principe de précaution (on s’efforce de réduire les risques de dommages imprévisibles et incertains), principe de prévention (on estime qu’anticiper coûte moins cher que réparer), principe de correction de la pollution à la source (on intervient au niveau des sites industriels plutôt qu’en aval), principe du DNSH (« Do No Significant Harm ») et principe du pollueur payeur. À partir de ce cadre, l’UE agit sur deux fronts. D’abord politique, avec le Programme d'action pour l'environnement (PAE). Ensuite réglementaire, en particulier avec le Pacte vert.

RM : Que contient le Pacte vert ?

B. Leca : Le Pacte vert fixe trois grands objectifs. Primo : réorienter les flux de capitaux vers des investissements responsables. Deuxio : gérer les risques financiers induits par le changement climatique. Tertio : favoriser la transparence des entreprises sur ces sujets.

L. Raynaud de Lage : Le dispositif inclut d’une part 600 milliards d’euros d’investissements liés au budget septennal de l’UE et au plan de relance NextGenerationEU, d’autre part un large corpus de textes – règlement sur la restauration de la nature (qui vise à restaurer au moins 20 % de nos zones terrestres et marines d'ici 2030), règlement industrie zéro nette (qui doit favoriser le marché des énergies renouvelables), règlement contre la déforestation, et le fameux triptyque CSRD, taxonomie et CS3D.

RM : La CSRD en particulier fait couler beaucoup d’encre…

C. Richard : Et ce n’est pas fini, car la Commission vient de proposer un paquet de simplification omnibus qui doit encore être discuté au Parlement et au Conseil. En attendant et en l’état, la CSRD concerne les entreprises européennes qui réunissent deux des trois critères suivants : plus de 250 salariés, 25 millions d’euros de bilan, 50 millions de chiffre d’affaires. Elle leur demande d’effectuer un reporting de durabilité, en respect avec un ensemble de 12 normes, les ESRS (European Sustainability Reporting Standards), qui représentent au total près de 1 200 types d’informations (« data points ») à fournir. Un chiffre à relativiser : il s’agit plutôt d’un catalogue où chaque entreprise peut piocher ce qu’elle retient comme significatif, qui équivaut en général à moitié moins.

B. Leca : Autre nuance : la CSRD constitue aussi un exercice de réflexion stratégique avec ce qu’on appelle une « analyse de double matérialité » qui évalue à la fois l’impact des activités de l’entreprise sur l’environnement (matérialité dite d’impact) et l’impact des évolutions de l’environnement sur les perspectives de l’entreprise (matérialité dite financière).

L. Raynaud de Lage : Cet outil s’avère très puissant pour sortir de la rentabilité à court terme et aider à prendre en compte toutes les données susceptibles d’influer sur les résultats – pas uniquement celles économiques. D’autant que la double matérialité porte sur l’ensemble de la chaîne de valeur, de l’amont (fournisseurs, prestataires…) à l’aval (distributeurs, clients…), ainsi que l’intégralité du cycle de vie des produits, depuis l’extraction des matières premières nécessaires à leur fabrication jusqu’à la fin de leur utilisation.

RM : Quid de la taxonomie de l’UE ?

L. Raynaud de Lage : La taxonomie classe les activités des entreprises selon leur alignement avec six objectifs : atténuation du changement climatique, adaptation au changement climatique, lutte contre la pollution, préservation de la biodiversité, économie circulaire, utilisation durable des ressources aquatiques et marines. Si votre projet contribue à l’un ou plusieurs de ces objectifs sans nuire aux autres, vous pouvez lever des fonds plus facilement et obtenir des crédits à des taux préférentiels.

RM : Aujourd’hui, les réglementations environnementales de l’UE font l’objet de critiques, au point que la Commission a lancé une directive Omnibus pour amender les textes du Pacte vert. Que faut-il en penser ?

L. Raynaud de Lage : Ces critiques ont une double origine. Premièrement, elles font écho au mouvement anti-ESG et anti-État-providence outre-Atlantique, qui gagne en ampleur depuis l’élection de Trump. La raison est double : d’abord, les entreprises américaines ont constaté qu’elles n’arrivaient pas à concilier leurs engagements de décarbonation et leurs objectifs de croissance ; ensuite, et c’est lié, elles ont été échaudées par les poursuites en justice des ONG qui dénonçaient leur inaction voire leur greenwashing. Deuxièmement, un certain nombre d’acteurs européens s’alarment d’un décrochage du continent face aux États-Unis et à la Chine, et incriminent les réglementations environnementales.

RM : Ces reproches sont-ils fondés ?

L. Raynaud de Lage : Tout est parti du rapport Draghi sur la compétitivité européenne, qui appelait notamment à une simplification administrative. Cependant, il affirmait aussi que les efforts de durabilité engagés par l’UE amenaient de réels avantages compétitifs – comme le démontre par ailleurs toute la littérature académique depuis vingt ans. Si la lourdeur bureaucratique du Pacte vert mérite qu’on s’y attarde, elle ne constitue pas le cœur du problème.  

RM : Peut-on à tout le moins convenir que l’UE est la région du monde où les réglementations environnementales sont les plus contraignantes ?

B. Leca : [suite de l’article à découvrir dans Reflets Mag #156] 


Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni 

Paru dans Reflets Mag #156. Voir le numéro exceptionnellement en accès libreRecevoir les prochains numéros.

 

Image : © AdobeStock

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