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Thomas Sommer (E10), producteur de k-pop : « Nous voulons créer une nouvelle tendance musicale »

Interviews

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13/09/2021

Née en Corée du Sud, la k-pop fait partie des rares genres musicaux à rivaliser avec l’entertainment américain : ses stars battent des records de vues et d’écoutes sur les plateformes de streaming, se produisent à guichets fermés dans le monde entier et engrangent les milliards. Un marché clé du soft power coréen où le Frenchie Thomas Sommer (E10), co-fondateur de la société de production SG Entertainement, est bien décidé à se faire une place. Rencontre. 

ESSEC Alumni : Comment et pourquoi êtes-vous passé du marketing mobile à la k-pop ? 

Thomas Sommer : J’ai apprécié travailler dans le secteur du marketing mobile au moment où celui-ci en était à son tout début, car cela me procurait un sentiment de pionnier au sein d’une industrie balbutiante. Lorsque cette dernière a naturellement mûri, j’ai cherché un nouveau défi. Déménager en Corée du Sud afin de me lancer dans le divertissement me redonne un sentiment d’explorateur tout en opérant dans un secteur où la gestion de l’humain a une place primordiale, ce qui compte beaucoup pour moi.

EA : Pouvez-vous expliquer la k-pop à nos lecteurs non-initiés ?

T. Sommer : L’industrie du divertissement en Corée du Sud fonctionne de manière radicalement différente à celle que l’on peut trouver en Occident. Elle intègre des acteurs variés (dont le gouvernement coréen !) dans un système structuré, intégré et centralisé qui permet de produire des tubes de manière industrielle. Du recrutement des « trainees » (stagiaires) au début des groupes d' « idols », l’ensemble fonctionne comme une véritable chaîne de production bien huilée. Avantage : cette machine formidable peut très rapidement s’adapter aux dernières tendances afin d’optimiser le « market fit » du produit. Inconvénient : ce modèle tend à limiter la créativité artistique car il accorde peu de place à l’essai-erreur.

EA : Y a-t-il des équivalents de la k-pop ailleurs dans le monde – ou à d’autres époques ? 

T. Sommer : La k-pop constitue, au-delà d’un genre musical, un système holistique de production propre à la Corée du Sud qui n’a pas été reproduit ailleurs. On peut être tenté de comparer les « boys groups » de k-pop aux « boys bands » occidentaux des années 90. Ce serait cependant ignorer une distinction fondamentale, due aux différences culturelles et philosophiques sous-jacentes entre Orient et Occident : dans la k-pop, ce sont plus les relations entre les membres qui déterminent l’identité du groupe que leurs personnalités individuelles.

EA : Quelle place la k-pop occupe-t-elle dans le paysage de l’entertainment en Corée ? Et dans le monde ? 

T. Sommer : La k-pop constitue actuellement une grande partie de l’identité culturelle et du soft power coréens, et à ce titre elle est vivement promue et soutenue par le gouvernement à l’international, aux côtés d’autres produits culturels tels que les « dramas » et les « webtoons ». En Corée, les « idols » sont considérés comme des dieux et bénéficient d’un statut spécial au sein de la société. Ils sont couramment invités à la télé, figurent dans des publicités diverses, deviennent souvent acteurs…

EA : Quel poids la k-pop pèse-t-elle sur le plan économique ?

T. Sommer : En Corée, la k-pop contribue directement à 5 milliards de dollars du PIB national. À l’international, la k-pop ne rivalise certes pas sur le plan économique avec les gros majors comme Universal et Warner, mais le succès fulgurant de groupes tels que BTS et BlackPink contribue fortement à la renommée et au soft power du pays. 

EA : Comment vous positionnez-vous sur ce marché avec SG Entertainment ? 

T. Sommer : Nous nous donnons comme mission de créer un pont entre Est et Ouest en associant le modèle communautaire coréen d’entraînement et de production avec notre tradition occidentale de création artistique fondée sur l’expression de l’individualité des artistes. Objectif : créer une nouvelle tendance musicale, plus axée sur la maturité. Nous nourrissons en outre l’ambition de travailler avec des marques de luxe européennes. Dans cette optique, nous développons actuellement notre premier « girls band », Alpha Ray, que nous projetons de lancer début 2023. Par ailleurs, nous avons quelques activités annexes comme notre webtoon K-pop Company Insider qui raconte l’histoire de notre entreprise de manière romancée. Pour mieux nous connaître, vous pouvez aussi regarder le documentaire YouTube réalisé par Pape San sur notre initiative, qui a déjà recueilli plus de 540 000 vues.

EA : Comment le COVID a-t-il impacté le secteur de la k-pop ?

T. Sommer : Comme pour le secteur de la musique partout dans le monde, le COVID a enlevé à l’industrie de la k-pop son activité la plus lucrative : les tournées de concerts. Ce manque à gagner a été en partie compensé par l’organisation de concerts en ligne d’une part, et par un recentrage des sources de revenus sur les activités liées à la réputation des artistes d’autre part – en particulier les contrats de représentation de marques. On peut citer les partenariats entre les membres de BlackPink et les marques Chanel, Dior et Céline.

EA : Quid de vos activités ? 

T. Sommer : Nous avons l’agilité d’une start-up. Nous avons donc pu rapidement intégrer cette nouvelle donne à notre business mode, et nous serons en mesure de faire face à une éventuelle prolongation des restrictions liées à la pandémie.

EA : Comment avez-vous été reçus en tant que producteurs étrangers dans cet univers très marqué culturellement ?

T. Sommer : Notre initiative originale a peut-être fait sourciller certaines personnes au départ, mais nous avons fait nos preuves depuis, même s’il nous reste beaucoup de chemin à parcourir ! Par ailleurs, de nombreux producteurs de k-pop sont étrangers et une partie de la production, en particulier au niveau créatif, est souvent externalisée à New York, Los Angeles ou Stockholm.

EA : Le fait d’être Français vous permet-il d’apporter un regard, des propositions neuves ?

T. Sommer : Notre bagage culturel et philosophique occidental, et français en particulier, nous donne une perspective radicalement différente des acteurs locaux, ce qui constitue une force. Cependant, il faut être conscient des codes et des valeurs du système au sein duquel nous opérons afin de ne pas commettre d’impairs ou d’erreurs de jugements en dépit de notre bonne volonté.

EA : Le modèle « offstage » de la k-pop vous paraît-il exportable ? Pourquoi ? 

T. Sommer : Le modèle organisationnel de la k-pop est difficilement exportable en tant que tel, en particulier en Occident, car il repose sur une mentalité communautariste confucéenne propre à la Corée. En particulier, les sacrifices individuels exigés des futurs idols me paraissent difficilement compatibles avec nos valeurs d’intégrité individuelle et de respect de la personne. Cependant, notre entreprise a vocation à créer un pont entre les deux philosophies pour une meilleure adaptabilité de la k-pop entre les cultures.

EA : Quelles sont vos ambitions pour SG Entertainment ? 

T. Sommer : Nous nous concentrons dans un premier temps sur notre groupe Alpha Ray, mais nous prévoyons aussi de produire des artistes solo et, plus tard, un groupe de garçons. Nous souhaitons en outre aborder d’autres supports de divertissement au fil de l’eau : web dramas, séries, long-métrages…


Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni 

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