Corentin Grenon (BBA 20) : «L’IA abaisse la barrière d’entrée pour une génération d’entrepreneurs »
Corentin Grenon : Dès ma première année au Global BBA, j’ai choisi de me lancer dans l’entrepreneuriat plutôt que de faire un stage. Avec deux amis de promo, nous avons lancé Leqto, une agence de développement web & mobile, puis Formalý, une Edtech de digital learning qui a rapidement trouvé son product-market fit. Ensuite, nous avons créé un SaaS B2B pour digitaliser les organismes de formation, que nous avons revendu en 2022. Aujourd’hui, je suis responsable de l’incubateur ESSEC x ESSEC Alumni à Station F, en plein cœur du plus grand campus de startups au monde. Chaque année, nous accompagnons une trentaine de projets alumni, souvent en phase d’idéation ou d’amorçage, avec pour objectif d’accélérer leur passage du MVP au premier marché.
RM: Quelle place les étudiants en fin de scolarité et les jeunes diplômés occupent-ils parmi les entrepreneurs en France ?
C. Grenon : On observe un vrai shift générationnel. Aujourd’hui en France, environ un créateur d’entreprise sur quatre a moins de 30 ans. Beaucoup se lancent directement dans la tech et surtout l’IA en ce moment. Leur taux de réussite à trois ans est comparable à la moyenne, mais leur time-to- market est souvent plus rapide, car ils ont une forte culture produit et une appétence pour l’expérimentation.
RM : Et parmi les entrepreneurs ESSEC ?
C. Grenon : L’ESSEC est historiquement une école qui valorise et structure l’initiative entrepreneuriale. L’ESSEC forme 100% de ses étudiants aux fondamentaux de l’entrepreneuriat (environ 7 500 étudiants par an) et accompagne plus de 150 startups étudiantes et diplômées par an. À ce jour, ce dispositif a soutenu plus de 2 500 projets entrepreneuriaux et permis à ses startups de lever près de 6 milliards d’euros de capitaux sur 15 ans. À l’incubateur ESSEC de Station F, plus de 50 % des entrepreneurs accompagnés ont moins de 30 ans. Leur force, c’est d’allier vision business et exécution rapide, en s’appuyant sur le réseau ESSEC pour valider leur proposition de valeur, trouver des early adopters ou lever leurs premiers fonds.
RM : À quels enjeux spécifiques les jeunes entrepreneurs ESSEC font-ils face, auxquels leurs aînés ne font pas face ?
C. Grenon : Trois défis reviennent souvent. Le premier, c’est la crédibilité vis-à-vis des clients B2B et des investisseurs, quand on arrive sur le marché à 22 ou 25 ans. Le deuxième, c’est l’accès au financement early stage, dans un contexte où les tours d’amorçage se resserrent. Enfin, il y a l’aspect psychologique : apprendre à encaisser l’incertitude, les pivots, les échecs, sans avoir encore d’expérience professionnelle solide derrière soi.
RM : Parmi ces enjeux, les jeunes entrepreneurs ESSEC font-ils face à des difficultés nouvelles par rapport aux générations précédentes ?
C. Grenon : Oui, clairement. Les générations précédentes se lançaient souvent après quelques années en conseil ou en grands groupes, avec un réseau déjà établi. Aujourd’hui, les jeunes fondateurs partent from scratch beaucoup plus tôt. En parallèle, l’écosystème s’est professionnalisé et mondialisé : il faut itérer plus vite, convaincre plus vite, lever plus vite. Cela crée une pression temporelle que leurs aînés connaissaient moins.
RM : Pour chacun de ces enjeux, quels services proposez-vous ?
C. Grenon : Pour la crédibilité, nous connectons les jeunes fondateurs à des mentors, advisors et diplômés expérimentés qui leur apportent du capital réputationnel. Pour le financement, nous faisons des mises en relation avec business angels et fonds seed et les préparons à faire leur levée. Enfin, sur la partie psychologique, nous offrons un cadre bienveillant : l’incubateur est pensé comme une safe place où l’on peut échouer, pivoter, rebondir, et trouver de l’entraide entre pairs.
RM : Outre les services que vous proposez, quels outils et quelles ressources recommandez-vous aux jeunes entrepreneurs ESSEC ?
C. Grenon : J’insiste beaucoup sur la force du réseau alumni, qui est une vraie rampe de lancement, notamment pour décrocher des premiers clients B2B. Il y a aussi les dispositifs publics comme la BPI, French Tech Tremplin ou Réseau Entreprendre. Mais aujourd’hui, il serait impensable de ne pas parler de l’intelligence artificielle. L’IA est devenue un co-pilote indispensable pour les jeunes entrepreneurs : elle permet de prototyper plus vite, d’automatiser des tâches répétitives, de tester des business models à moindre coût. Concrètement, un fondateur peut construire un premier produit no-code en s’appuyant sur ChatGPT, Bubble ou Notion, lancer une landing page en quelques heures et itérer immédiatement grâce aux retours utilisateurs. L’IA démocratise l’accès à la création d’entreprise : elle réduit la barrière technique et permet à une génération d’entrepreneurs de se concentrer directement sur le problème client.
RM : Dans l’entrepreneuriat, un jeune âge est-il un avantage ou un inconvénient ?
C. Grenon : C’est les deux. Côté limites, il y a un manque d’expérience managériale et parfois une difficulté à inspirer confiance dans une salle de board. Mais c’est aussi un énorme atout : capacité d’apprentissage exponentielle, agilité, pas d’héritage organisationnel, et surtout la liberté de prendre des risques. À 25 ans, un échec est une leçon bon marché.
RM : Vous affichez vous-même un parcours riche pour votre âge. Quels facteurs vous ont différencié et permis d’accomplir plus que la moyenne ?
C. Grenon : Trois choses m’ont aidé. D’abord, le fait d’être passé à l’action très tôt : j’ai appris par la pratique, en itérant vite. Ensuite, le réseau ESSEC, qui m’a ouvert des portes incroyables vers des pairs, des investisseurs, des mentors. Enfin, une vraie obsession pour l’apprentissage : j’ai toujours considéré chaque projet, qu’il réussisse ou non, comme un terrain d’expérimentation.
RM : Pensez-vous avoir une vision ou une approche différente de vos activités par rapport à des personnes plus âgées ?
C. Grenon : Oui, sans doute. Ma génération est née dans un monde tech et globalisé. Nous avons une culture du test-and-learn : on n’attend pas d’avoir la solution parfaite avant de lancer. Nous privilégions la vitesse et l’itération. Les profils plus expérimentés apportent, eux, de la profondeur, de la structuration et de la rigueur. Les deux approches se complètent : c’est en combinant l’agilité des jeunes fondateurs et l’expérience des seniors que l’écosystème progresse.
Interview à retrouver dans le numéro de notre magazine Reflets dédié aux jeunes talents ESSEC :
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Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10)
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