Les ingénieurs de Google ont évalué la durée d’attention de la génération des millenials, celle qui a grandi avec les écrans connectés : 9 secondes. Ou comme le dit dans son ouvrage Bruno Patino (E90), directeur éditorial d’Arte et directeur de l’école de journalisme de Sciences Po : « Nous sommes devenus des poissons rouges, enfermés dans le bocal de nos écrans, soumis au manège de nos alertes et de nos messages instantanés. » Au cœur de la servitude numérique qu’il décrit au fil des pages, nul déterminisme technologique, mais un projet qui traduit l’avènement d’un nouveau capitalisme : l’économie de l’attention. Il s’agit d’augmenter la productivité du temps pour en extraire encore plus de valeur. Après avoir réduit l’espace, on étend le temps tout en le comprimant, et on crée un instantané infini. L’accélération générale remplace l’habitude par l’attention, la satisfaction par l’addiction. Et les algorithmes sont  les machines-outils de cette économie. Un système qui détruit progressivement nos repères, préférant les réflexes à la réflexion, les passions à la raison. Notre rapport aux médias, à l’espace public, au savoir, à la vérité, à l’information – tout est impacté, et une à une, les lumières philosophiques s’éteignent au profit des signaux numériques.

En lançant l’alerte, Bruno Patino refuse le fatalisme. « Les regrets ne servent à rien. Le temps du combat est arrivé, non pas pour rejeter la civilisation numérique, mais pour en transformer la nature économique et en faire un projet qui abandonne le cauchemar transhumaniste pour retrouver l’idéal humain. »

La civilisation du poisson rouge
Bruno Patino (E90)
Éd. Grasset
184 pages
17 €