Gaël Parienté (E26) : « La France et la Corée du Sud entretiennent des relations privilégiées »
Gaël Parienté (E26) a cofondé le Paris Korean Club avec Elie Politi. Objectif : faciliter et renforcer les échanges diplomatiques, économiques et culturels entre la France et la Corée du Sud.
ESSEC Alumni : Quelle est la visée du Paris Korean Club ?
Gaël Parienté : Le Paris Korean Club émane du Paris Asian Act, association loi 1901 que j’ai fondée pour contribuer à renforcer les liens entre la Corée du Sud et l’Europe, en particulier la France. Il s’agit d’une plateforme de réflexion, de mise en relation et d’influence qui s’adresse aux dirigeants et décideurs coréens, français et européens issus du monde économique, politique, culturel et technologique. Notre mission : catalyser les synergies entre les écosystèmes publics et privés des deux pays, en organisant des événements ciblés, en accompagnant des projets concrets et en favorisant une diplomatie de proximité.
EA : Comment les relations franco-coréennes ont-elles évolué ces dernières années ?
G. Parienté : Elles ont connu une intensification notable sur les plans économique, diplomatique et culturel. Plusieurs facteurs l’expliquent. D’abord, la montée en puissance de la Corée du Sud comme acteur global innovant dans des domaines clés : technologie, culture, transition énergétique… Ensuite, l’intérêt croissant des entreprises françaises pour l’Asie du Nord-Est, en particulier pour la Corée, comme marché stratégique et partenaire d’innovation. Enfin, la conjonction du repositionnement de la diplomatie française vers l’Indo-Pacifique d’une part, et du renforcement de la diplomatie coréenne vers l’Europe d’autre part, dans un contexte d’incertitudes géopolitiques mondiales. Sans oublier l’accord de libre-échange signé par l’Union européenne et la Corée en 2011.
EA : Aujourd’hui, quel état des lieux peut-on dresser des relations franco-coréennes sur le plan économique ?
G. Parienté : La France constitue le 4e investisseur européen en Corée du Sud avec plus de 200 entreprises implantées sur place dont L'Oréal, Safran, TotalEnergies et Dassault Systèmes. Réciproquement, plusieurs conglomérats sud-coréens se montrent très actifs en France, comme Samsung, LG et Hyundai. Résultat : le commerce bilatéral franco-coréen dépasse désormais les 10 milliards d’euros par an. Certains secteurs stratégiques se démarquent : aéronautique, automobile, cosmétiques, luxe, énergies renouvelables et, plus récemment, intelligence artificielle et cybersécurité.
EA : Quid des relations diplomatiques et géopolitiques ?
G. Parienté : La France et la Corée partagent une vision commune du multilatéralisme, du droit international et de la transition écologique. La France soutient ainsi la politique de « paix durable » dans la péninsule coréenne et collabore étroitement avec la Corée au sein de forums comme l’ONU, le G20 ou l’OCDE. La Corée du Sud est par ailleurs l’un des rares pays asiatiques avec lesquels la France entretient un partenariat stratégique global depuis 2006, ce qui traduit un niveau élevé de confiance et de coordination.
EA : Et sur le plan culturel ?
G. Parienté : La K-Culture occupe une place croissante dans l’imaginaire français : musique (K-pop), cinéma (Palme d’Or pour Bong Joon-ho), séries, mais aussi gastronomie et cosmétiques. La France compte en outre parmi les pays européens qui traduisent et publient le plus d’ouvrages coréens. L’Institut français et le Centre culturel coréen à Paris jouent un rôle structurant dans ces échanges.
EA : À l’inverse, des freins subsistent-ils au développement des relations franco-coréennes ?
G. Parienté : On peut citer des différences culturelles parfois encore mal comprises, un manque de visibilité mutuelle en dehors des grands groupes, une complexité administrative et réglementaire forte sur les deux marchés et un manque de structuration de la coopération entre les PME et les startups des deux pays. Pour y remédier, il faut des passerelles humaines, des dispositifs de mise en réseau ciblés et des lieux d’échange qualifiés. C’est exactement ce que propose le Paris Korean Club.
EA : Quelles sont les perspectives pour les relations franco-coréennes ?
G. Parienté : Les opportunités de coopération et de croissance croisée sont nombreuses dans les industries de pointe, l’intelligence artificielle, la santé, l’économie verte. Le soft power coréen devrait continuer d’infuser en France, tandis que la Corée manifeste déjà un intérêt croissant pour la French Touch. Côté risques, il faut prendre en compte les tensions géopolitiques régionales (Chine, Corée du Nord), les barrières non tarifaires et l’instabilité des chaînes d’approvisionnement.
EA Qui sont les autres partenaires majeurs de la France dans la région indo-pacifique ?
G. Parienté : La France entretient des relations stratégiques avec le Japon, l’Inde, l’Australie, l’Indonésie et le Vietnam. Mais la Corée du Sud reste souvent perçue comme le partenaire technologique de référence, notamment dans l’aéronautique, le numérique et les industries créatives. De même, si la Corée entretient aussi des relations avec l’Allemagne (pour l’industrie), les Pays Bas (pour la high-tech) et le Royaume Uni, elle tend à privilégier la France pour ses capacités d’influence, son industrie de la mode et du luxe, son écosystème start-up.
EA : Dans ce contexte, quelles actions le Paris Korean Club mène-t-il?
G. Parienté : Nous agissons à trois niveaux. Primo : nous organisons des événements de prestige comme notre soirée inaugurale début 2024 avec Jacques Attali ou un défilé au Printemps Haussmann en partenariat avec LF Corp. Deuxio : nous ouvrons un accès stratégique aux marchés à travers des projets immersifs comme « Korean Wave at BHV Marais » qui offre une vitrine aux marques coréennes à Paris jusqu’à fin juillet 2025. Tertio : nous facilitons le réseautage en connectant décideurs publics, dirigeants d’entreprises, fonds d’investissement, institutions et artistes, et en lançant des initiatives sectorielles autour de la tech, des cosmétiques, du gaming, de la gastronomie et de la culture.
EA : À titre personnel, quels sont vos liens avec la Corée ?
G. Parienté : Mon lien avec la Corée s’est construit progressivement, à la fois par passion et par engagement professionnel. Il s’est concrétisé de manière décisive lors de la Paris Blockchain Week où j’ai collaboré étroitement avec des acteurs coréens du gaming et des nouvelles technologies sur des sujets de sponsoring et de partenariats stratégiques, à un moment où la Corée affichait une forte ambition internationale dans le Web3, l’e-sport et l’entertainment immersif. Cette expérience m’a ouvert les yeux : les enjeux dépassaient largement la blockchain. Il s’agissait d’accompagner des industries créatives et technologiques coréennes dans leur conquête de l’Europe — et réciproquement. À cette occasion, j’ai aussi compris que la France arrivait à un tournant : sortant du COVID-19, elle cherchait à renforcer ses partenariats en Asie, tout en rééquilibrant ses relations vis-à-vis de la Chine. C’est avec ces enjeux en tête que j’ai décidé de fonder le Paris Korean Club, pour créer un cadre d’action structuré, durable et à forte valeur ajoutée.
Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni
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