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Matthieu Delfini (E16) : « Après la finance, la peinture s’est imposée à moi »

Interviews

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06.18.2025

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Il y a 5 ans, Matthieu Delfini (E16) n’avait encore jamais touché de pinceau. Aujourd’hui, il vit de son art et a mis fin à sa carrière dans la finance. Un succès en autodidacte, consacré par une exposition à La Samaritaine (Paris) à partir du 2 juillet. 

ESSEC Alumni : Comment êtes-vous passé de l’ESSEC à l’art ? 

Matthieu Delfini : En novembre 2019, je me fracture la rotule. Contraint à l’immobilisation, je m’occupe en m’essayant à la peinture, avec du matériel offert par des amis. C’est une révélation : l’exercice s’avère très intuitif pour moi, l’appréhension de la texture, des mélanges, des couleurs, mais aussi du dessin, des rapports d’échelle, des perspectives. Il va me falloir beaucoup pratiquer pour progresser mais la machine, un peu malgré moi, est lancée. Au bout de 3 ans, je décide de quitter mon travail dans la finance – à dire vrai je ne me suis jamais réellement senti à ma place derrière un bureau – et je me lance dans une carrière d’artiste peintre. 

EA : Comment avez-vous atteint ce niveau professionnel ? 

M. Delfini : En total autodidacte, sans cours ni tutoriel. Je crois au pouvoir de l’intuition, et surtout, en tant que peintre figuratif, à celui de l’observation et de la pratique. C’est en passant de longues heures, inlassablement, devant la mer, la végétation, la nature, et en exécutant des portraits d’amis, d’aimés, d’inconnus, simplement en m’efforçant de reproduire ce que je voyais, que je me suis formé. Faire, refaire, et re-refaire. Des carnets m’accompagnent dans tous mes voyages et me permettent de dessiner ou peindre partout, et de tester toutes les techniques, l’aquarelle, la gouache, l’encre, le crayon à papier. Et souvent, ces expérimentations en petit format donnent par la suite naissance à de grands formats, à l’acrylique, sur toile. 

EA : Pourquoi avoir décidé de vous consacrer à temps plein à l’art – plutôt que de maintenir en parallèle une activité en entreprise ? 

M. Delfini : Si au début, j’ai pu l’envisager comme un passe-temps, la peinture est devenue un besoin quotidien, une façon d’être au monde. Il m’est aujourd’hui impossible de ne m’y consacrer qu’à moitié. C’est plus fort que moi : il me faut tenter l’expérience et ne rien regretter. La peinture me permet, je crois, de m’acheter une forme de liberté. 

EA : Aujourd’hui, comment définiriez-vous votre travail ?

M. Delfini : Mon travail artistique s’inscrit dans une recherche autour des espaces intérieurs et extérieurs, des relations que les individus entretiennent avec eux-mêmes, les autres et le monde qui les entoure. J’ai commencé par explorer des paysages, tantôt imaginaires, tantôt réels, notamment ceux de mon Sud natal : mers, montagnes, champs, falaises – autant d’horizons calmes, baignés de couleurs vibrantes, qui suscitent l’émotion et invitent à la contemplation, à la méditation, à la réflexion, à l’évasion… Un monde à la frontière de l’onirique. Puis mon attention s’est portée sur les êtres humains et les scènes de vie quotidienne, sur les gestes, les postures, les regards, autant de micro-expressions silencieuses qui racontent des histoires, traduisent ce qui ne peut pas toujours être dit avec des mots. Cette double recherche m’a mené à mettre en lumière des instants de connexion, ou parfois de déconnexion, entre les individus et leur environnement physique, social ou intérieur. Dans cet univers symbolique et souvent atemporel, la couleur n’a pas seulement une teneur descriptive ; par son éclat, ses contrastes ou sa douceur, elle se charge d’une signification émotionnelle et devient un véhicule à la fois pour transmettre des impressions et pour déclencher une résonance sensorielle chez le spectateur lui-même. Je propose ainsi des récits visuels ouverts, où chacun est invité à projeter sa propre perception, son ressenti. Loin d’imposer une interprétation unique, je cherche à créer un espace de dialogue, à saisir l’essence de ce qui relie les êtres humains entre eux, au-delà des frontières géographiques, sociales ou culturelles.

EA : Quelles sont vos inspirations ? 

M. Delfini : Sur le plan artistique, j’aime beaucoup Hockney et Hopper. Plus largement, je puise mon inspiration dans le vivant, dans des instantanéités que je tente de figer à jamais sur la toile. 

Chaque image est un souvenir saisi entre deux couches de peinture. Mes tableaux sont davantage des réminiscences que des compositions. Comme un photographe capture un moment avant qu’il ne s’efface, je tente de retenir ce qui aurait pu disparaître. En quelque sorte, mes œuvres sont ma mémoire en pigments, mon journal intime sans mots, où chaque trait révèle ce qui a été. Les regarder, c’est entrer dans un fragment de mon passé, c’est rendre le spectateur témoin d’une scène que je refuse d’oublier.

EA : Pouvez-vous nous décrire certaines de vos œuvres phares ?  

M. Delfini : J’aime particulièrement L’appel des couleurs que j’ai réalisé dans le cadre d’une résidence artistique au Cameroun, à Bandjoun Station. Peu d’adultes osent entrer dans ce lieu. Ils prêtent à l’endroit de la sorcellerie, de la magie noire. Les enfants, eux, s’y précipitent, faisant fi des interdits de leurs parents. Ils viennent voir les artistes à l’œuvre. C’est ce que j’ai voulu capter dans mon tableau : des enfants en uniforme descendent un escalier usé par le temps, partageant un moment d’échange, de mouvement et de complicité. Le jeu des regards, entre insouciance et concentration, raconte une histoire propre à chacun d’eux. La texture des murs, les nuances chaudes et l’ombre portée du garde-corps ancrent ces figures dans un espace vivant, empreint de souvenirs et de récits silencieux. Cette œuvre invite à observer la poésie du quotidien, à ressentir l’énergie des lieux, à s’imaginer ces enfants qui, entre rires et réflexions, avancent vers leur avenir.

Une autre œuvre que j’ai envie de partager : Périple Familial. Dans la lumière crue des calanques de Marseille, je capture un instant suspendu, une scène intime où se dessinent des liens entre plusieurs individus au cœur d'une nature minérale et maritime. Je m'attache particulièrement à la richesse du langage corporel, aux jeux subtils d'ombres et de lumière qui sculptent la peau et révèlent une constellation d'émotions et de relations. Chaque silhouette, chaque posture traduit une connexion ou une interaction au sein du groupe. Ce tableau célèbre la beauté et l’universalité des « vibrations du quotidien » qui animent nos existences. J'adore saisir ces moments de vie à distance : je me rends souvent sur les roches à Marseille pour prendre en photos les inconnus, les baigneurs, les dormeurs, les promeneurs. Ils ne le savent pas mais beaucoup deviendront des tableaux. 

EA : Comment peut-on découvrir votre travail ? 

M. Delfini : Vous pouvez me suivre sur mon Instagram de peintre, @matthieudelf_art, et consulter mon site Internet, matthieu-delfini.com. Je suis en outre exposé actuellement à Bordeaux, chez Tentö Galerie, et à partir du 2 juillet chez Voyage Samaritaine, au dernier étage de La Samaritaine, en plein cœur de Paris, pour tout l’été, sous le titre Les vibrations du quotidien - Impressions nomades. Il s’agit d’une immense fierté et d’une étape très significative dans mon parcours. Exposer dans un lieu aussi emblématique, à la croisée de l'art, de l'histoire et du commerce, constitue pour moi une façon de faire des ponts entre les mondes, et assied ma conviction que l'art a sa place partout, même et surtout dans des espaces aussi vivants et ouverts au public.

EA : Quels sont vos prochains projets ? 

M. Delfini : Une nouvelle série de peintures que je garde secrète pour l’instant, un autre vernissage à Paris au dernier trimestre 2025, une exposition début 2026 avec des artistes africains dans un lieu emblématique de la capitale en partenariat avec l’association What Water, antenne de l’UNESCO promouvant le développement de l’accès à l’eau potable en Afrique Subsaharienne… Et, je l’espère, toujours plus de rencontres et d’échanges avec les acteurs du monde de l'art – qu'ils soient galeristes, curateurs, ou collectionneurs – pour que mes œuvres puissent voyager et toucher un public encore plus large. À bon entendeur !

EA : Comment peut-on soutenir votre travail ? 

M. Delfini : Déjà, suivez-moi sur les réseaux sociaux et venez voir mon exposition à La Samaritaine ! Ensuite, pour les entreprises comme pour les particuliers qui seraient sensibles à ma démarche, il est possible d'acquérir mes œuvres sur mon site et même de me solliciter pour des commandes spéciales. Enfin, et c'est un point qui me tient à cœur en tant que diplômé de l'ESSEC, je suis ouvert à des collaborations avec des marques et à des projets qui rapprochent l'art et le monde de l'entreprise. Je crois fermement aux passerelles entre ces deux univers.

 

Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni 

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